A QUI PROFITE la disparition de jean-pascal couraud ?

Ia ora na,

NOUVEL ARTICLE EN LIGNE :

Ce blog est consacré à l’analyse autant factuelle que possible d’une disparition survenue dans un contexte politique tendu il y a une vingtaine d’année en Polynésie française. Nous étions sept mois après les élections législatives de mai 1997.

Depuis 2004, tout ou presque tout, a été dit, écrit, et largement diffusé en utilisant chaque support de communication disponible : radio, télévision, journaux (quotidiens et hebdomadaires), blogs, livres, thèse de doctorat… Le tout relayé par plusieurs sites internet et réseaux sociaux permettant ainsi et sans aucune limite le partage de multiples versions (téléchargeables de surcroît).


Evidemment, même radio cocotier s’en est mêlée…

Mais voilà : trop souvent, aucune vérification n’a été effectuée au sujet des éléments livrés à l’opinion publique. Et lorsque les médias sont majoritairement numériques, il n’est pas aisé d’en déterminer les auteurs, qui continuent pourtant de propager chaque « information » comme une vérité établie et participent activement aux nombreux rebondissements de cette affaire.

Cette situation perdure depuis un peu plus de seize ans, et il est temps à présent d’apporter un autre éclairage à celles et ceux qui souhaitent l’obtenir avant de pouvoir réellement se forger un avis.                                                                                                                       Puisque la partie civile (1) et la presse ont largement occupé l’espace médiatique et continuent de le faire, voici à présent une version différente de toutes celles qui ont été servies au gré des « convictions »(2) de chacun, et diffusées année après année.                                                                                                                                                                                        Une série d’articles viendra compléter cette première publication et ils constitueront autant de réponses, mais aussi de questionnements, reliés à cette affaire qui continue de défrayer la chronique judiciaire.


Une volonté de se démarquer des deux grands blocs politiques émerge

En février 1996, remarqué par Boris Leontieff, Francis Stein (alors responsable d’un établissement public culturel depuis une dizaine d’année) accepte de fonder avec lui et plusieurs autres personnes, le parti politique qui prendra le nom de « Fetia Api ». Il s’engage ainsi à figurer sur la liste des candidats « rouges et jaunes » (couleurs de ce nouveau parti autonomiste) qui a pour but de se présenter aux élections territoriales la même année. Leur score sera de 5 001 voix et la tête de liste, Boris Léontieff, entre à l’assemblée territoriale.

Un vent de renouveau politique que l’on penserait bien accueilli après que la Polynésie française ait été « régie » par le même parti et la même personne depuis plusieurs mandatures consécutives. Mais en Polynésie, ce n’est pas si simple… Francis Stein en subira les conséquences en mars 1997, après une longue période de pressions exercées dès l’installation du nouveau gouvernement. Sa nouvelle ministre, faute d’obtenir la démission qu’elle lui réclame le jour même de sa nomination au ministère de la culture en mai 1996, en raison de son engagement politique affiché, commandite deux audits de sa gestion, en confiant l’un à un cabinet d’expert-comptable, et l’autre accepté par le président du gouvernement, à l’inspecteur général de l’administration.

Au bout de six mois de vérification, aucun grief ne pouvant être retenu, elle décide de le « muter » sur un autre emploi fonctionnel, celui de chef de service d’une autre entité relevant de son département ministériel. Il est donc « promu » ailleurs et en est informé la veille, en début de soirée. Le lendemain matin, le conseil des ministres acte sa nomination à un poste où il n’était pas candidat. Il attendra plusieurs mois avant de percevoir son salaire et devra intenter un recours devant le tribunal administratif pour obtenir réparation du préjudice subi.

Boris Léontieff lui demande de nouveau de s’impliquer et au mois d’avril 1997, ils se présentent tous deux aux élections législatives du mois de mai. Leurs suppléants seront respectivement Lucien Kimitete, maire de Nuku-Hiva, et Teraiefa Chang, ancien syndicaliste et membre du CESC. Ils obtiendront 7 430 voix, soit un total d’un peu plus de 12 % des suffrages exprimés. La troisième voie se dessine encore davantage.

Des pratiques iniques en outre-mer français

Placé ensuite sous surveillance par le « pouvoir en place » pour avoir lancé une pétition et recueilli en quelques jours avec les porteurs de cette protestation, 840 signatures contre le projet d’installation du tout premier centre d’enfouissement technique (CET) de Tahiti dans la vallée de la Punaruu à Punaauia, Francis Stein obtiendra la confirmation de ces faits en 2005.

En effet, lorsqu’il est auditionné par des enquêteurs de la section de recherche qui ont obtenu les aveux de certains membres du personnel de la présidence du gouvernement, qui étaient équipés de véhicules et de matériel de captation sonore et vidéo, il apprend que ces derniers ont livré la liste de plusieurs personnalités engagées politiquement et faisant partie de la société civile.

Toutes sont victimes comme lui de filatures décidées en haut lieu pour surveiller des personnalités politiques de l’opposition. Ces agents n’hésitèrent pas à déclarer qu’ils étaient « les yeux et les oreilles du président » … Cf. Révélations publiées dans les Nouvelles de Tahiti du jeudi 31 mars 2005, et lien : https://www.tahiti-infos.com/Affaire-du-SED-Gaston-Flosse-ne-forme-pas-de-pourvoi-en-cassation_a145253.html

Le centre d’enfouissement technique sera finalement installé à Taravao, mais lorsque l’association « Taravao Nui Ma » s’y oppose, le président du gouvernement adresse un courrier de réponse favorable à sa ministre de la culture (n° départ 2774/10. 97 / PR du 13 octobre 1997) approuvant l’engagement d’une procédure de révocation du poste à responsabilité qu’il occupe depuis huit mois, et approuve son licenciement. 

Il signe même la lettre de convocation à l’entretien préalable règlementaire qui par contre ne sera jamais transmise puisque revêtue ensuite de la mention manuscrite « NON EXPEDIE CAR DELAIS OUTREPASSE (2 mois à compter des faits) A LA RECEPTION DU COURRIER SIGNE (=> irrégularité de la procédure) ».

Le 24 décembre 1997, Francis Stein avait dû se présenter à la gendarmerie de Punaauia située à la pointe des pêcheurs. Convoqué pour une audition en qualité de témoin, il en était ressorti plus tard sans dispositif particulier le concernant.

Cette audition portait sur la disparition dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997, de Jean-Pascal Couraud, chargé de communication du maire d’Arue, Boris Leontieff, également conseiller territorial à l’assemblée (AT).

Les relations se normalisent

En juin 1998, un remaniement ministériel impose le retour à l’assemblée de la ministre de la culture, élue des Tuamotu, remplacée par une nouvelle ministre qui deviendra également présidente de l’Université de Polynésie française de 2005 à 2011 et dont les relations seront plus sereines avec la majorité des différents responsables de services et établissements relevant de son département ministériel.

Francis Stein sera de nouveau entendu comme simple témoin le 4 décembre 1998, puis les 25 juin et 7 novembre 2000.


L’impensable se produit et anéanti l’ascension du parti centriste, provoquant un séisme

Le 23 mai 2002, en pleine campagne des élections législatives, une partie de l’état-major politique du Fetia Api, parti de l’opposition non indépendantiste, disparaissait dans l’archipel des Tuamotu à bord d’un avion bimoteur Piper PA-34 Seneca (immatriculé F-OCNA) alors qu’ils avaient quitté l’atoll de Kaukura pour rejoindre Makemo et avaient dû se dérouter vers Katiu où il semble qu’ils aient pourtant pu atterrir selon les transcriptions des enregistrements saisis à la tour de contrôle de l’aéroport Tahiti-Faa’a… mais après « vérification » auprès de l’agent de l’aviation civile basé à l’aérodrome de Katiu, une erreur d’appréciation aurait été commise… (Nous reviendrons prochainement sur cette information essentielle).

Tout comme Jean-Pascal Couraud, leurs corps ne seront jamais retrouvés, ni l’épave de l’avion qui les transportait, malgré les recherches engagées par les secours et les enquêteurs. Boris Leontieff, conseiller maire d’Arue, président du parti et candidat à la députation, Lucien Kimitete son suppléant, conseiller maire de Nuku Hiva aux Marquises, Arsen Tuairau, conseiller territorial à l’Assemblée, candidat à la députation ; et Ferfine Beyssere, conseillère municipale d’Arue sa suppléante étaient à bord avec leur pilote Gilbert Kelly.  Cette disparition sera considérée comme « troublante » par le parquet de l’époque.

Effet collatéral, la porte vers la sortie s’ouvre toute grande

Alors qu’il a assumé avec sa nouvelle ministre la réorganisation d’un pan important du secteur culturel, elle reçoit l’ordre présidentiel de le limoger. Lui portant de l’estime, elle lui propose de démissionner, ce qu’il refuse en l’invitant à assumer cette décision. Celle qui l’a précédée au gouvernement n’ayant pas conservé son ministère longtemps, elle se résout à proposer au conseil des ministre la révocation de Francis Stein ayant œuvré près de dix-sept ans aux « affaires culturelles » du fenua. Après une première tentative infructueuse, une semaine après la disparition de l’avion du Fetia Api, car il partait en congé administratif en Nouvelle Calédonie, elle devra attendre son retour de congés pour mettre fin à ses fonctions début septembre 2002. Par contre, il dû patienter plusieurs semaines pour obtenir une affectation dans un nouveau service et ce fût l’un relevant du secteur social. Il dû pourtant le quitter au bout de quarante-huit heures après sa prise de fonctions, et toujours sur ordre de la présidence car le refus de le voir gérer l’aide sociale au logement avait été notifié à leur ministre de tutelle qui répercuta cette instruction à sa directrice. L’ordre venait de plus haut. Finalement il réintégra ce service au bout de quelques semaines, mais pour y occuper la responsabilité de gestionnaire des ressources humaines, poste moins stratégique manifestement…


Surprise de taille, la Loi concoctée pour anéantir l’opposition la renforce et elle prend le pouvoir par les urnes

Francis Stein entre au gouvernement en juin 2004 et devient ministre du dialogue social, chargé de l’emploi, du travail, de la protection sociale et de la fonction publique. Il expérimente toutefois dès le mois d’octobre suivant avec la nouvelle majorité sortie des urnes le 23 mai composée de plusieurs partis  (date fatidique de la disparition des passagers de l’avion loué par le Fetia Api en 2002) et son gouvernement nommé depuis à peine quatre mois, la motion de censure fomentée par l’opposition ayant rallié un transfuge de l’UPLD. Celui-ci permet la bascule et le retour de l’ancienne équipe « orange », qui n’aura de cesse – année après année – de vouloir reprendre le pouvoir au gré d’alliances qu’elle même avait en son temps qualifiée de « Trahison », créant ainsi une instabilité chronique en terre Mā’ohi.

Un certain Vetea Guilloux vient perturber le fragile retour du parti au Fe’i

Ainsi, en plein TAUI – « Changement« , cette motion de censure (3) qui renverse le 9 octobre 2004 le premier gouvernement d’alliance d’Oscar Temaru avec le Fetia Api et le No Oe E Te Nuna’a, tous deux des partis autonomistes d’opposition et ayant conclu un accord de majorité avec l’Union Polynésienne pour la Démocratie (UPLD)  composée du Ia mana Te Nuna’a, du Ai’a Api, et du Here Ai’a, Monsieur Vetea Guilloux révélait de manière fracassante l’implication de collègues, membres du Groupement d’intervention de la Polynésie française, le très controversé GIP, dans la disparition de Jean-Pascal Couraud. Mal lui en pris car cela déclencha une tempête judiciaire pour lui.

En décembre 2020, il vient d’apprendre 16 ans après, que son procès en appel à Paris est audiencé le 5 février 2021.


Une première diffamation (4) est lancée et a été sanctionnée

Alors que faisant partie de la délégation du gouvernement censuré accompagnée d’élus rencontrant la ministre de l’outre-mer à Paris, il est informé par une de ses collaboratrices que le journal l’Hebdo, organe de communication du parti politique de retour aux affaires, l’accuse dans une de ses publications, d’être [co]responsable de la disparition de M. Couraud. Pour cela, ce média s’appuie sur une lettre de dénonciation rédigée par le docteur Pierre Quentin, proche de cette famille de JPK, et dans laquelle il fait état d’un véhicule endommagé, celui de francis Stein, dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997 au domicile du disparu.

L’avocat chargé d’assurer la défense de deux des trois GIP incriminés utilise cet écrit comme argument de plaidoirie pour les en disculper. En janvier 2021, ces personnes sont toujours mises en examen malgré les recours intentés à deux reprises pour en obtenir un non lieu (5).

L’HEBDOmadaire politique est assigné devant le tribunal de 1ère instance de Papeete pour diffamation mais Francis Stein est débouté. Il fait appel du jugement et se voit de nouveau débouté à Papeete. Qu’à cela ne tienne, il forme un pourvoit en cassation à Paris et gagne son procès contre le gérant de l’HEBDO, « à défaut d’avoir pu obtenir le nom du journaliste responsable de la publication. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris et il obtient là encore gain de cause. La condamnation du gérant du journal étant prononcée le 18 juin 2007, la diffamation étant prononcée après un parcours procédural de trois années.

Une nouvelle infraction assimilable à « injure publique / diffamation publique » a eu lieu en juin 2019, après la mise en examen de Francis Stein. Une blogueuse affirmait sa culpabilité et n’hésitait pas à écrire :

 » … Lorsque les deux comparses ont préparé, enlevé, séquestré et assassiné avec une détermination qui fait froid dans le dos, Jean Pascal Couraud… » ajoutant : « … Or les amis meurtriers n’avaient à ce jour de l’enquête, aucune relation avec le GIP qui les auraient aidés alors qu’ils ne prenaient leurs ordres que de leur chef (…)« .

Elle rappela également à son lectorat en août 2019, que Francis Stein était mis en examen  » pour meurtre  » prenant soin de préciser qu’il l’était « comme [s]a complice  » et que cela « touche profondément la présomption d’innocence (6) au profit de la culpabilité » et que « Certes, les magistrats peuvent faire des erreurs, mais l’affaire a été tant de fois cousue, décousue, recousue qu’il y a peu de chance qu’il y ait un pépin quelque part« .

Le Service du procureur de la République ayant été saisi d’une plainte a indiqué la possibilité de poursuivre au travers d’un procès pénal ou civil car les faits étaient constitués. Le nécessaire sera fait dans les délais prévus par la Loi.


Des enquêteurs prouvent l’existence d’un service « spécial » territorial, toléré par l’Etat

Une campagne de presse politisée à outrance avec le relais de la station « Radio Maohi », normalement à vocation communale mais en réalité autre bras armé dudit parti politique,  constituait la réponse opposée à la dénonciation par Veta Guilloux visant ces deux agents du GIP ainsi que leur chef de service, et par ricochet toute leur hiérarchie, sachant que la collectivité s’était attachée au plus près du pouvoir, un service dénommé SED, le service d’étude et de documentation implanté dans l’ancienne caserne Broche devenue le siège du gouvernement à l’avenue BRUAT (aujourd’hui rebaptisée Avenue Pouvana’a a Oopa).

Plusieurs personnes travaillaient dans ce service et particularité de la charge du SED, et chaque station radiophonique était écoutée et enregistrée avec du matériel de pointe. Les interview des personnalités politiques, représentants de la société civile parmi lesquels des syndicalistes, chefs d’entreprise, responsables économiques, membres influents d’associations culturelles et sportives, étaient transcrites et/ou traduites en français, avec pour principal objectif de renseigner directement le président de la collectivité des moindres déclarations médiatisées, et en particulier celles de ses opposants…

Toutes les stations radiophoniques émettant sur le territoire, les médias TV ainsi que la presse écrite furent visés quotidiennement par les personnels spécialement recrutés, forcément bilingues.

Pour en savoir plus https://www.ccomptes.fr/fr/documents/2777 : gestion des services de la Présidence de la Polynésie française au cours des exercices 1991 et suivants

Un des prochains articles abordera l’ouvrage publié le 28 mars 2013 par le grand reporter Benoît Collombat français chargé d’investigations, « Un homme disparait : l’affaire JPK » . Parmi les 464 pages de cet ouvrage, il est fait référence une cinquantaine de fois à des pièces du volumineux dossier d’instruction et le nom de Francis Stein y est cité pas moins de quarante fois.

A bientôt.

https://affairejpk.net/2021/01/25/a-qui-profite-la-disparition-de-jean-pascal-couraud-connu-sous-les-initiales-jpk/

Mots clés et expressions :

1 Partie civile en France — Wikipédia (wikipedia.org) ; 2 Conviction — Wikipédia (wikipedia.org) ; 3 Motion de censure — Wikipédia (wikipedia.org) ; 4 Diffamation en droit français — Wikipédia (wikipedia.org) ; 5 Présomption d’innocence en droit français — Wikipédia (wikipedia.org) ; 6 Non-lieu (procédure pénale) — Wikipédia (wikipedia.org).

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