UNE INSTRUCTION FAITE A LIVRE OUVERT ?
La violation du secret de l’enquête et de l’instruction garant de l’exercice d’une justice sereine et impartiale ne semble plus -sauf erreur d’interprétation – être un délit face à la liberté d’expression
Cet ouvrage publié le 28 mars 2013 par le grand reporter français Benoît Collombat, chargé d’investigations, comporte 464 pages et il cite de larges extraits des auditions de nombreux témoins, effectuées par les juges d’instruction et gendarmes successifs de la section de recherches entre fin 1997 et fin 2012. Pas moins de cinquante références à des pièces du volumineux dossier d’instruction y figurent et rapelons-le, dix auditions par plusieurs juges d’instruction chargés de l’affaire.
On peut y lire par exemple des extraits d’une audition de mineure en date du 20 juin 2000 par la brigade de la prévention de la délinquance juvénile de Papeete au chapitre II, page 83 ; des éléments figurant dans un rapport de synthèse de la gendarmerie de Papeete du 21 février 2005 au chapitre XIII, page 330 ; et d’autres contenus issus d’un rapport d’autopsie du 30 janvier 2004 réalisé par le docteur Vincent Valence sur le corps d’un membre du GIP parti à la chasse et retrouvé dans le bassin de rétention d’une cascade. Des détails figurent sur 29 lignes, au chapitre XV, page 371.
Le nom de Francis Stein y est cité quarante fois. Ce journaliste auteur de nombreuses enquêtes sur le monde des affaires, de la politique et du renseignement a évidemment pu accéder à plusieurs cotes de ce volumineux dossier normalement couvert par le secret de l’instruction. Il ne manque que les n° d’enregistrement mentionnés sur chacune de ces pièces par le greffier en charge de leur enregistrement.
Une affaire hautement médiatique…
La partie civile qui dispose d’un site internet depuis 2004 ne s’est pas privée de commenter régulièrement chaque rebondissement de cette affaire. Elle a aussi informé les internautes de la publication de ce livre et contrairement à ce qui a été prétendu, il n’est pas seulement le résultat d’une composition à partir d’archives du quotidien Les nouvelles de Tahiti compilée d’articles signés JPK, mais pourrait bel et bien être celui d’une violation du secret de l’instruction et de son recel si l’on s’en tient à la Loi.
Par ailleurs, seuls les éléments à charge sont livrés aux lecteurs, auditeurs, et téléspectateurs de même qu’aux internautes ce qui dénote un mépris total de la présomption d’innocence. Dès lors, comment envisager la protection des droits fondamentaux de chaque citoyen à qui doivent être garantis l’impartialité de la procédure et un procès équitable ?
Le secret de l’enquête et celui de l’instruction
Ce principe juridique est le fondement du modèle procédural de nature inquisitoire basé sur le rôle central du juge. Si la phase de collecte des preuves (en existe-t-il en définitive contre Francis Stein ?) et celle de la détermination des charges ne restent pas strictement confidentielles et secrètes, comment garantir que la mise en cause construite sans la découverte du corps de la victime, sans scène de crime, sans témoin direct et sans aveu ne sera pas le résultat d’un jugement préalable de l’opinion publique, et la suite de pressions exercées sur les enquêteurs et toute la chaîne judiciaire ?
De telles violations engendrent un réel risque d’empêcher la manifestation de la vérité. Dignité, réputation, vie privée et professionnelle volent en éclat. Mais rien n’est si simple, comme on a pu le lire ici : https://blogs.mediapart.fr/pindoramabahiaflaneur/blog/271220/tahiti-23-ans-sans-jean-pascal-couraud-journaliste